du kaspar de pierre

Laure Gauthier

MARCHE 1

Moi qui allais découvrir les nuages et l’écrit à la même seconde,

(ce que me dit l’évasement du souvenir)

entendis le papier se froisser à la lettre illisible que

            jl devvv tracer

            soudain

et qui signifia bientôt : MARCHER


En sortant me souvenais des nuages

Comme l’aveugle se figure le cercle



Et là parmi les hautes fagnes, me fraie un passage à hauteur d’épaules

Et vois le phototrope s’incliner à mes pas

Et plus jl marchch ch ch plus les soleils devenaient lourds et noirs

          arrivai donc au pays capitulé,

la terre me donnait froid sous les ongles

Mes plantes usées un peu rouges déjà

d’où ?

dans une douleur sourd-muette, on m’a dit de marcher,

Sans mot, sans désir, outre à la vie, on va me remplir là-bas,

des copeaux de tous les ébréchés


          suis ballant

et avance dans un élan pétrifié,

vacciné

Vive le XIXe siècle!




de la terre presque trop meuble,

et de ces taupes qui ne sortiront peut-être plus,

de ce terme que n’apprendrai que d’un livre

et l’herbe si fraîche au printemps




Mon silence

avait recouvert tous les bruissements de feuilles, tous les pas,

aucune étreinte

les pierres, même elles, se sont retournées à moi, et n’auront plus jamais la

force d’accueillir un enfant,

c’est intenable pensaient-elles.




Et    ignore forcément tout du mausolée de vers qu’on m’a dressé toujours à
nouveau, et

L’on s’agenouillera éloquent et mélancolique devant les taches dans mes
phrases à venir,

Muré = sans expérience = coeur pur = verbe premier = poésie!


    ai construit avec mes tuteurs mes premiers souvenirs,    ai fait album, fabriqué à
mon corps défendant une chrchronologie




Sans fracas s’envole la maison des silences

Tout me laisse à présent,

Loin des pierres qui me regardent

Et vacille à la vie

Et tous ces yeux en la ville qui m’attend

Et l’écume de ses pourquoi




MAISON 1

J n’ai pas vos maisons,

ni vos châteaux,

J ne répète rien,

même quand j redis vos phrases pour moi, mais rien en moi n’est redevenu ce
qui était,

qui peut en dire autant?

On devrait abandonner tout le monde, vous flanquer de murs de pierres


Et toute la ville a plongé les mains en moi pour se retrouver, ne croyant qu’en
les racines,

Vous m’avez tatoué tous les messages,      suis devenu la vitrine de vos

manques

Puis sont venus les poètes badigeonnant, faussement rupestres, leurs envies sur
moi ; se roulant dans mes cendres pour apercevoir ce que la nature pourrait
encore leur dicter,

bon dieu, l’exotisme !

    ai marché en mastiquant une longue phrase,

mais    n’avais que deux chevaux et des rubans, un habit, leur souvenir

et déjà votre ville avait trop d’objets et déjà vous vouliez les oublier à moi




MAISON 2

Elle me dit,

J’aime entendre le voile des sons.

la vaisselle entrechoquée dans la vasque, les bruits de l’humide, ceux des
taches qui se défont sous l’eau

reconnaître les motifs de porcelaine à la texture des gouttes.

J me dis,

qu’elle a fait digue dans la nuit, ses parents, la bonne, le broc, et puis l’eau

elle s’est endormie au creux de leurs sons



Et j connais désormais le mot chance, première trappe,

nouvelle souffrance d’un pompon de la vie que    n’ai jamais su attraper,

cramponné à la terrrrr,

jamais les bras au ciel, mais c’est bien un seul tour de manège !




Lui parler du silence des pierres ?

    ai écrit « J’ai toujours été content et satisfait . . . jusqu’à ce que l’homme
vienne et m’apprenne à imiter, mais je ne savais pas ce que j’avais écrit ». Et
cette phrase, les poètes la croient plus que toutes les autres.

Quelle merveille que l’énoncé dégoulinant d’ingénuité de l’enfant battu qui
pleure le rassurant claquement du fouet, comme le placard était doux qui
empêchait les horribles sons de la vie

Infans = nature ? Avez-vous vu des taureaux confiner le boeuf dans une mare,
le noyer juste un peu, l’empêcher de sortir. Oui, j’ai vu les cadavres de lièvres
à demi mangés par le père, certes, mais des lapins enfermés dans le terrier
jusqu’à l’âge adulte ?

O, vous écoutez la poésie de l’enfant placard




MAISON 3

Quand vous traverserez les rues de Nuremberg

Pensez à ceux qui ont bu à la paille,

Mon point d’interrogation,

Paille dans la béance, premiers gros titres,

L’Europe bourgeoise des faits divers

Touristes venus me voir, l’attraction de la maltraitance

Oh le marché de la poésie !




On torture dans les pièces, où il y a des bougeoirs kaspar, on choisit la
couleur des chandelles et

le drap de l’oreiller est doux

Mais la taie de satin recueille aussi le remords liquide,

Et l’enfant troué pèse moins lourd que l’enfant mort




    ai la pâleur du flanc de saint sébastien mais ma

douleur est sans image pour vous, elle est verbe,

Ma bouche pleine de vos mots,    suis une histoire,


on aurait dû mouler un kaspar près de la Fontaine au bouffon, mais mes
supplices ne sont ni plastiques ni bronze,

Et même si l’on a plongé une dague dans ma poitrine, on me soupçonne
encore,

Tous les écoulements de sang en mon sein ne leur ont inspiré que dépositions,
encre et papier, et même quand j’ai dit, pour vous plaire, les paroles du christ,
à la toute fin, c’est écrit, on cherchait sous les fibres de ma langue le
mensonge. Jl est un fait divers en marche!

comme le lapin mort, vous auriez pu envelopper mon corps de toutes les
chchroniques

de Hambourg à Stuttgart, des titres frémissants, mais pas de toiles pour moi.
Le rouge qui floqua la cave, mon pas mal assuré, la poussière dans ma
bouche, pas encore dignes des musées,


Et oui, regardez, on retire la roue des places publiques, belle époque que la

mienne, plus d’excitation de foule au bruit de bris des bras,

du coupable,




de quoi?

Plus l’odeur de la sueur du condamné, plus les cris de la foule se mélangeant
à ceux du roué, plus l’épaule ou les pieds du voisin en transe pour écraser les
vôtres et vous faire manquer la bouche du supplicié, mais

des gros titres

qui n’ont d’odeur que celle de l’encre, hé suis l’entrée en bourgeoisie?