Quatre Poèmes

Henri Meschonnic

la vie est en travaux les échafaudages
n’en finissent pas les moments
oubliés aussi infimes
que les parcelles de l’air qui
font le ciel on ne les voit
pas une à une puisqu’on est
dedans
c’est quand on le cache avec
la main
qu’on vieillit
d’un coup
 




il est temps
d’entendre
ce qu’on ne veut pas entendre
entendre ce qui ne fait pas de bruit
le sang ne fait pas de bruit
l’oiseau mort
ne fait pas de bruit
marcher sur un nuage
ne fait pas de bruit
laisser faire
ne fait pas de bruit
se taire
ne fait pas de bruit
mais tout ce silence
de tous ceux qui se taisent
fait un bruit à ne plus vivre
mentir ne fait pas de bruit
mais mentir mentir sur mentir
finit par faire un bruit à ne plus
s’entendre
un bruit de fin du monde
la mort
ne fait pas de bruit





tellement je suis
dans tous les yeux où tu es
je ne sais plus où je suis
mes mains te suivent
tu es habillée de mes regards
nous sommes ensemble
des patients de la vie
c’est nous que nous attendons
 




les morts que nous avons sous
les paupières
ne savent pas qu'ils sont morts
ils passent par nous le désert
et la marche
nous aussi nous avons été passés
une nuit pareille à nulle autre
parce qu'elle nous traverse
c'est depuis
que le temps boite
par nous et que nos mots sont
le passage et tu as dit
je suis de ton avenir
nous vivo