de Sunny girls

Sandra Moussempès

CADRE — LA NUIT — HABITACLE ROUGE


La chaleur des plateaux, on peut extraire cette chaleur.
« Votre corps soutient une veilleuse, vous êtes alangui »
— titre du premier dialogue —

 
Le héros se dit subjugué.

 
Lorsque vous êtes dans cet hôtel de Santa Monica vous avez
vue sur la mer, vous êtes à l’intérieur d’un décor acheté
par plus de 900 chaînes de télé.

 
Vous aimez le bleu qui facilite la pensée positive, la blan-
cheur des murs rappelle la Grèce mais à L.A. il ne fait
jamais ni trop chaud ni trop froid « j’aime la qualité de
vie, nos enfants vont dans une école privée » ou tout autre
dialogue en vente fera l’affaire.

 
Elle se promène sur la plage, cette mer n’est pas à propre-
ment dire un lieu de baignade, on y trouve des requins et
l’idée que s’en font les Californiens.

 
— Nous nous déplaçons en voiture, je vois, vous n’aimez
pas la voiture, il faudra vous y faire, ça et la salle de sport.

 
La lumière rouge s’intensifie, les visages se plissent, 1979
ou peut-être 1982, pas de mouvements de foule, le groupe
Cocteau Twins très apprécié des jeunes Californiens de
l’époque, à L.A. il y avait de faux punks qui vivaient dans
des villas cossues, ils organisaient des parties dans les patios
de leurs parents chirurgiens esthétiques.


[J’y ai rencontre une femme brune qui ressemblait à Mia]

 
Mais aussi des réalisateur arty et des acteurs en pleine
ascension ; parfois les serveurs devenaient des stars, peu de
temps après, mais personne ne savait réellement se perdre
comme ici.

 
Dialogues numérotés de 1 à 13

 
— J’ai envie de relire des livres, les livres me stimulent et
me rendent plus fort, au cinéma (l’image fait tout) il y a
cette buée sur la caméra qui empêche de voir en profon-
deur, c’est très séduisant d’être guidé par une atmosphère.

 
— On peut être attiré par le silence et vouloir que le son
nous guide.

 
À L.A. deux femmes s’embrassaient, je me souviens de
ce moment ; était-ce une simple publicité pour un porno
vintage aux couleurs passées (esthétique très courue dans
le milieu du design) ?

 
— J’observais ces deux femmes blondes, nues, qui avaient
gardé de longs colliers de perles, dans un fauteuil en osier,
la lumière était bleue, leur blondeur était bleue, et ce bleu
s’entremêlait en diverses strates, avec leurs jambes et leurs
chevilles pour devenir mauve sur la photo une fois agran-
die.

 
Sous-main rouge, première fenêtre


Rectangle, transparence, bordures sombres —
L’héroïne devenait un second rôle de second plan cata-
loguée pin-up en devenir, dans ce film indépendant, elle
trimait (la qualité de l’image fait tout).

 
— On l’appellera Mia, blonde, père allemand, mère irlan-
daise, physique hitchcockien mais sans l’ambivalence,
courbes pleines, Mia porte une perruque brune qui met
en valeur ses yeux bleus et la pâleur de son teint.
(Dans ce pensionnat, personne ne sait qui est qui, personne
ne sait qui est soi)

 
— Mais c’est pourtant la même femme, j’en suis sûr je
l’ai reconnue
— En effet, mais l’image ne fait pas tout
 
 
Hypothèses diverses alors

 
— Je ne suis pas allée au cinéma depuis des années mais je
me suis intégrée dans ma liste de films introuvables

 
Questionnements, points d’interrogation
Reprise de dernière phrase
Mobiles, suppression d’adjectifs


— La scène finale ne m’a rien fait

                                    en fait si, elle est anéantie
                                    dans une maison sculptée





15 heures, devant le lotissement à peine sorti de terre, les
résidents viennent d’avoir les clés, ils ouvrent la porte de
leur villa

 
Une forme de soumission
Ils fricotent entre eux

 
J’ai fait des rêves répétitifs : je suis presque superstitieuse
quand je me tais

 
Aucune phrase ne semblait réellement positive malgré le
bleu
« Fraîchement reçue »

 
Fondu au noir
Thèses des survivants qui en ont gros sur
Pseudos & mémento pour les oublier
Quelque chose de bien venu : le remplacement de la
rumeur par une note stridente

 
« Tu entres dans un nouveau cycle tu vas voir rien ne sera
pareil, ou plutôt tu ne verras rien car
tout aura changé »

 
Rien ne doit être explicable si l’explication est la seule
chose qui reste

 
Quelque chose de plus court
— « cette pute t’a salement entubé »

 
D’autres fonctions que l’accès direct à la mer : la déchet-
terie devient décent
On pourrait dire chaudière au fioul si tout n’avait pas été
embarqué

 
Avec moi comme rallonge
Je parie que tu es
Souriant je sens que tu me veux du bien


Sunny girls © Editions Flammarion, 2015