d'Air Triste

Guy Jean



Le Trio Pantango joue air triste / soledad, Piazzolla au bandonéon
je danse
ma partenaire colle à mon ventre sa tristesse
d'espoirs trompés, de travail bête, de rêves incolores

tristesse des terres lointaines, de toute la Terre
longue comme exil et errance
vieille comme la mort toujours la mort précoce, subite, qui tarde à venir.

Les animaux oublient, vivent, meurent.

Danse femme, dansons un air triste
qui laisse en nous les traces furtives d'un animal sur la rosée
les empreintes angéliques de l'oiseau de proie dans la neige fraîche.





 

Le bois cordé avec soin expose au soleil ses moignons.
À l'hiver il nous réchauffera de son feu.

De même, mon amour aura-t-il sur tes blessures
le parfum du bouleau blanc?

Ton amour, trop dense, ne se digère pas
il entre dans les os
s'installe comme un gardien de nuit
prend la forme de ce qu'il voit.

Femme, bois mes cendres.
Je veux mourir mon éternité en ton corps.







Mes pas s'accordent aux odeurs des amours
je pose la main sur ses hanches
les rythmes sauvages du coït y résonnent encore

je lève le regard
crâne sans yeux ni lèvres
dents ouvertes sur le vide
cœur glacé.

Tango mortuaire
mes pas s'enfoncent sous terre.