Liquides de toi
à l’intérieur
je vis ce que tu
ne vis pas
sais-tu tout ce
temps pour repousser
les fosses
je t’écris exige
à nouveau
un fleuve.
Je t’écris nous
écrivons
n’incluons la chose
dite
tu n’étais tu es
là
pour te voir
devrai-je ouvrir
ta ténèbre
en toi être
chaque alphabet
pourvoir à
la lumière
tomber encore
plus bas
devrai-je esquisser
ta fugue ?
Ne te donner
qu’un son vers
notre mourir
sur tes silences allumer
toutes les lampes
atteindre à ce qui
de toi reste
au bord du livre
car tu écrivais
là où n’est plus
le partage
dans le cru
du magnolia
qu’avais-je
brûlé afin que
tu surgisses ?
L’on dit
à chaque fois
plus
en guise de Dieu
investi de
trahison du désir
de s’enfoncer
à chaque fois plus
dans nos boîtes
à néant
à chaque fois plus
afin de noyer
le poumon
calciner le centre
du signe
être en son plein
halo
tenir l’appel
à la pointe de
l’épine.
Vers
le déclin de
l’Histoire les
couteaux barreaux
de face
giclées de
salpêtre
eux soulevés
dans le mutisme
et le jour
n’étaient-ils mèches
de paroles
marques
de l’étoile
lapidée ?
Tu avais séjourné
dans les grilles
toujours t’attend
un qui te peigne
plante le
crime
au centre de la
roue
brutalise les
bouches
invente une autre
caresse.
Sur toi l’os
le ciel
accessoire de la
lumière
le jaune du
juif
pourquoi Dieu
enfonce les
lamentations
et les poings
déserte ?
Quelque chose
de toi crie
fut écho
de la frappe
vint avec
la lecture
en impasse
fut l’ordre
du fou.
Cailloux éclats
obscurcis pas un
pour avertir
câbles avaient
strié la terre
à l’endroit de
la peau
fut le poème
éventré
voulait voulait
suivre
le nerf et
l’évidence
à la commissure
filet de sang
je voulais te couvrir
de voyelles.
Là aussi
tu me dis
temps s’arrête si
tu ne parles pas
ma voix déserte
la couleur
délave
les Empires.
Mets les lapis
au fond des corridors
viens à bout
des sommeils
descelle
les tropes va
vers le dehors
te perds à toi
même et me
respire
sœur en mourir
nous couchions
sous nos paupières
nous adonnions
à l’instant.
Etais-tu
minerai
entaille
perle de métal ?
Bandé de bouches
occupé d’ombre ?
Avais-je voulu
t’alourdir
de paroles ?
Quoi se levait
du monde et des
jets de pierre ?
Pour te voir je
dus ouvrir
la terre
d’en dessous.
de Le Troisième
Esther Tellermann
Listen to "[I am writing you . . .]" read in the original French by the poet:
Though the book is called Le Troisième (The Third), the poems are written in the space between a personal journal and a letter, the self and the other. The private intimacy of Tellermann’s short, sparse, and heavily enjambed lyrics becomes public in the act of reading, an intimacy that is an object itself, disconnected from the contexts that are its sources yet gesturing toward them. Perhaps you, the reader, are the Third, overhearing but in overhearing also relating to the writer and the “you.” Tellermann’s work is thus a study in address, in building a world and even a social order out of private, Delphic moments that shine into meaning and shade into obscurity. This blinking between sense and feeling, between light and darkness, occurs not only within the collage of images and objects—“the rawness of the magnolia”; “the bone/the sky/accessory of the/light”—but also through the linked, architectural grammar. Foregrounded in the French, this grammar asks for a voice to wake the poem: it becomes alive in the transit between your mouth and your ear.
Esther Tellermann is a poet and practicing psychoanalyst who lives in Paris. Since the publication in 1986 of her first book of poetry, Première apparition avec épaisseur (reedited in 2007), the majority of Esther Tellermann’s work has appeared under Flammarion, including Guerre extrême (1999), Terre exacte (2007), Contre l’épisode (2011), and Sous votre nom (2015). A section of Guerre extrême was translated and published by Keith Waldrop as Mental Ground (Burning Deck, 2002). Recent works include Le Troisième in 2013 and Eternité à coudre in 2016, both with Éditions Unes. Esther Tellermann has also published a prose work, Une odeur humaine (2004, Farrago/Léo Scheer), and an essay Nous ne sommes jamais assez poètes (2014, La Lettre volée).
Tim DeMay is a Ph.D. student in English literature at the University of Chicago, where he researches experimental art and resistance. His French and Arabic translations have appeared in Banipal, Gulf Coast, ArabLit Quarterly, and Asymptote.
