de Temps criblé

Alain Lance

Loin du Vietnam

J’écoute babel la nuit crépite Les nouvelles
Quelles sont les nouvelles Ah ces méridiens
Entre pouce et index
Des gens d’autres jargons petit-déjeunent déjà
Un pays grésille un autre se tait
Un monsieur vient d’être proclamé
Champion du monde des plumeurs de poulet
Les nouvelles      Quelles nouvelles
Et toujours ces deux si brèves syllabes
Sous le crachin des pertes légères.





Malaise

Un mousquetaire débordant de moutarde
Une ruée de gorets sur le crépuscule
Un baron rouillé pataugeant dans les douves
Une trachée d’indicateur ouverte au vent
Un frigo consulaire bien garni de dynamite
Un témoin capital rendu par la marée
Un été épais rempli de gens qui doutent





***

Quand le soir s’empare du monde
Avec ses graviers ses roses
Carrefours las et défaits
Et le stupide orgasme du feuillage
Dans les parcs sentimentaux

Délire de dire ou de fuir

La source regagne le règne obscur





***

Je sens le nord mendier sa limaille
J’ai corps absent audible à peine
J’ai grand souci de mes bribes

Le temps met à rouiller
Ses couteaux dans mon espace

L’oiseau s’entrave au lierre
Saupoudré de défaite

Dispersé dans la brouille
Je vais j’avale
Bouche informe





Printemps

Printemps que tout cela, les tulipes
Tendent un gobelet rouge : boire un peu
De soleil au ras du mur, à l’est.
Après tout pourquoi pas le printemps
Qui vois enfièvre et que son chant passe
Trempé de mosique et de musaque
Le printemps est un fait objectif
Fête abjecte objet fictif, etc.
Pourquoi faire printemps eut dit l’autre
Avoir un corps et la peur absente
Je n’en ai pas parlé : respirer
Sans mentir n’est pas l’ordre du jour.

Foire au printemps ! Gloire aux oignons blancs !
Estragon ciboulette et cresson !
Cuisinons, mes amis, car la vie
Etc.

Le printemps neuf compte les absents.


©Éditions Obsidiane et Le temps qu’il fait, collection Les Analectes, 2000.